Mahé

    Autodidacte et possédant une licence de philosophie, j’entretiens un lien très étroit entre mon processus de création et mes lectures philosophiques et littéraires. Influencée par des artistes tels que Egon Schiele, Francis Bacon,  Edvard Munch ou encore Gréco et Géricault, mon travail se concentre essentiellement sur la réprésentation du visage et du corps. Cet intérêt possède une valeur esthétique et philosophique. Par le biais du portrait et du nu, c’est toute la complexité, les ambivalences et les paradoxes qui traversent l’homme que je tente de saisir.

Par ma tendance à déformer le corps, à le tordre par des lignes sinueuses et à utiliser des couleurs vives, je rejoins l’esthétique et la pensée des artistes expressionnistes, afin de mettre l’être humain et son rapport à son environnement en question. En effet, la déformation du corps dans leur usage prend une nature symbolique : c’est un désordre sensible et psychologique qui est alors exprimé mais aussi le sentiment d'une dissociation entre soi et le monde. Mes tableaux dépeignent l’homme dans son intranquilité et le corps devient le théâtre où se jouent les tensions inhérentes à l’existence humaine.

Mon travail artistique est également un questionnement sur l’identité et l’altérité.  La représentation de “couple” me permet de développer une réflexion sur la place d’autrui dans la constitution de notre personne et dans notre rapport au monde. Les protagonistes de mes tableaux s’éprouvent dans la rencontre qui les constituent. Si leurs yeux sont la plupart du temps fermés, c’est qu’ils procèdent à un autre regard. Leurs yeux sont ouverts sur leur humanité respective. Ainsi, je place l’intersubjectivité comme la condition de la constitution de l’identité. le “Je” et le “Tu” sont comme deux pôles magnétiques inséparables.

Enfin, je développe à travers certaines des mes oeuvres, un questionnement sur la relation entre l’individu et l’humanité, entre le singulier et l’universel.

Afin d’incarner cette dialectique entre pluralité et unité je mets en oeuvre une esthétique de la fragmentation.

En effet, les corps qui remplissent ces compositions sont morcelés. Ce morcellement est une remise en question de l’individu comme être un, irréductible, qui se suffit à lui-même. Outre cette multiplicité des éléments représentés, le regard perçoit une totalité indivisible. Un corps plus grand semble alors se former par la participation de chaque fragment de corps. Tous les morceaux sont assemblés comme les pièces d’un puzzle.  La superposition des éléments induit que chaque membre repose sur un autre, soustraire une main ou une jambe suffirait pour que l’ensemble s’effondre. Par cette constellation de chaire, je cherche a suggérer les liens qui se tissent entre les individus et à représenter l’interconnexion entre les hommes comme le fondement de notre rapport au monde et à soi.

Pour finir, l'art est pour moi l'opportunité de former un espace dans lequel chacun peut-être susceptible de se reconnaître. Mon objectif est d'éveiller les sens et de parler au coeur en racontant de murmures en couleurs, qu’il y a plus de ponts que de murs entre les hommes.